Angleterre et France face à l’Islam : une divergence médiatique et sociétale

Publié le 9 mars 2025 à 20:43

Sahby Mehalla

L’attitude des médias anglais et français envers l’Islam et les musulmans illustre deux approches radicalement différentes. 

Angleterre et France face à l’Islam : une divergence médiatique et sociétale

Tandis qu’au Royaume-Uni, une certaine bienveillance médiatique est perceptible, en France, le traitement de l’Islam semble souvent marqué par la méfiance, voire l’hostilité. Cette divergence soulève des questions cruciales sur la liberté de la presse, les héritages historiques et les choix politiques des deux pays.

Le Royaume-Uni a adopté une approche multiculturaliste qui se reflète dans ses médias. Des journaux comme The Guardian, BBC News ou encore The Independent abordent régulièrement les questions musulmanes sous un prisme plus inclusif. Après les attentats islamistes, ces médias insistent sur la nécessité de ne pas amalgamer l’Islam et le terrorisme et relaient activement les messages des organisations musulmanes qui condamnent ces actes.

Des figures politiques britanniques, comme Sadiq Khan, maire de Londres d’origine pakistanaise et musulman pratiquant, sont mises en avant comme preuves du succès de l’intégration musulmane en Angleterre. En 2019, lors de l’attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande, où 51 musulmans ont été tués dans une mosquée, le Premier ministre britannique de l’époque, Theresa May, et la presse anglaise ont exprimé une solidarité immédiate avec la communauté musulmane, dénonçant la montée de l’islamophobie.

Cependant, cette posture n’est pas parfaite. Des tabloïds comme The Sun ou Daily Mail ont parfois relayé des discours hostiles à l’Islam, notamment en lien avec des affaires de criminalité impliquant des musulmans (par exemple, les scandales de gangs sexuels à Rotherham). Cela montre que, malgré une tendance globale au soutien, certains segments des médias britanniques exploitent également des récits anti-musulmans.

La France : une diabolisation médiatique de l’Islam ?

En France, le rapport entre les médias et l’Islam est nettement plus conflictuel. Le concept de laïcité, interprété de manière rigide, conduit souvent à une suspicion généralisée envers les expressions visibles de la foi musulmane. Des chaînes comme CNews, BFMTV ou des journaux comme Le Figaro et Valeurs Actuelles amplifient régulièrement des polémiques sur le voile, les prières de rue ou les revendications communautaires, contribuant à alimenter un climat de défiance.

L’exemple le plus frappant est le traitement médiatique des attentats terroristes islamistes. En France, chaque attaque est suivie d’un débat intense sur l’Islam, souvent associé au danger et à l’ennemi intérieur. En 2020, après l’assassinat de Samuel Paty, le gouvernement et les médias ont immédiatement lié l’acte au "séparatisme islamiste", lançant une vaste campagne contre les structures musulmanes suspectées d’"islamisme".

Contrairement au Royaume-Uni, où les médias tentent d’éviter l’amalgame, en France, certains journalistes et intellectuels participent activement à la construction d’une image de l’Islam comme une menace pour la République. Des figures comme Éric Zemmour ou Michel Onfray sont régulièrement invitées sur les plateaux télévisés pour dénoncer un prétendu "grand remplacement" ou une "islamisation de la France".

La différence de traitement médiatique entre la France et l’Angleterre soulève plusieurs contradictions. D’un côté, la bienveillance britannique envers les musulmans peut être perçue comme une volonté d’inclusion et de protection des minorités, mais certains y voient une forme de complaisance qui occulte des problématiques réelles comme la radicalisation ou l’enclavement communautaire. En revanche, la France adopte une posture plus stricte, justifiée par la défense de la laïcité, mais cette fermeté se transforme souvent en une obsession qui stigmatise une partie de la population musulmane.

Le Royaume-Uni met un point d’honneur à lutter contre l’islamophobie et à valoriser la diversité, ce qui contribue à une meilleure cohésion sociale. En France, au contraire, la laïcité est fréquemment invoquée comme un rempart contre l’influence de l’Islam, mais son application semble davantage servir à exclure qu’à protéger, alimentant un climat de défiance. Cette différence de perception se retrouve aussi dans les médias : la presse anglaise évite les débats polémiques sur l’Islam, ce qui peut donner l’impression d’un refus d’aborder certaines réalités. À l’inverse, en France, les médias ont tendance à exagérer l’influence de l’Islam dans la société, entretenant un climat anxiogène qui nourrit un sentiment de persécution chez les musulmans et accentue les tensions.

L’Angleterre et la France adoptent deux stratégies opposées face à l’Islam. L’une privilégie l’inclusion et le dialogue, tandis que l’autre semble enfermée dans une posture de méfiance et de confrontation. Si l’approche britannique est plus apaisante, elle peut aussi masquer certaines tensions communautaires. La posture française, en revanche, alimente un climat d’hostilité et de division, nuisant ainsi au vivre-ensemble.

Finalement, la question se pose : faut-il une liberté d’expression absolue quitte à heurter une communauté, ou une approche plus prudente pour éviter la stigmatisation ?

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