Déclaration de Pierre Manent - Le paradoxe du sage : entre lumière de la raison et ombres de la barbarie intellectuelle

Publié le 7 décembre 2024 à 14:03

radio sisko fm

Pierre Manent, philosophe français, a récemment suscité la polémique en déclarant : « Il faut prendre des décisions concernant le nombre de musulmans en Europe. 

Il ne peut pas croître indéfiniment sinon nous irons au-devant de drames. » Ces propos ont immédiatement provoqué des réactions contrastées, entre critiques acerbes et soutiens silencieux. 

Mais que traduisent ces paroles, et surtout, quel est leur impact dans le débat public sur l'islam en Europe ?

Les mots de Pierre Manent, en apparence factuels, soulèvent de profondes interrogations sur leur sous-texte. 

Cette déclaration semble partir du postulat que l’augmentation du nombre de musulmans en Europe constituerait une menace intrinsèque, sans préciser la nature exacte de cette menace. 

Cette généralisation nourrit un discours potentiellement discriminatoire, renforçant des stéréotypes déjà bien ancrés dans certains cercles politiques et médiatiques.

Or, une analyse démographique simple révèle que la majorité des musulmans en Europe sont des citoyens européens, nés et ayant grandi sur le continent. 

Leur appartenance religieuse ne les exclut en rien de la citoyenneté ou des valeurs européennes. L’islam, tout comme le christianisme ou le judaïsme, est une religion universelle, transcendant les frontières raciales et ethniques.

Lier la croissance d’une population religieuse à une idée de catastrophe imminente repose sur une vision biaisée. Il s’agit d’un raisonnement simpliste et dangereux qui risque d’alimenter les divisions. L’islam, tout comme d’autres religions, prône des valeurs de paix et de respect. Assimiler une religion à une source de « drame » est non seulement erroné, mais également injuste envers des millions de croyants pacifiques.

Ironiquement, l’histoire européenne regorge d’exemples où des minorités religieuses, qu’il s’agisse de protestants ou de juifs, ont été persécutées au nom de la protection d’une prétendue identité nationale. 

Rappelons que pendant les guerres de religion en France, marquées par le massacre de la Saint-Barthélemy, l'islam a parfois été perçu comme un refuge moral. 

Les empires musulmans, notamment l'Empire ottoman, ont accueilli des minorités persécutées, offrant une tolérance inconnue dans une Europe déchirée par des rivalités chrétiennes.

Associer implicitement la montée en nombre des musulmans à des drames est une idée fondée sur une confusion : celle de relier le terrorisme à une religion spécifique. Pourtant, le terrorisme n’a ni race ni religion. C’est une manifestation de haine et de violence qui transcende les croyances, et qui reflète des dysfonctionnements humains et sociaux bien plus complexes.

L’islam, tout comme d’autres confessions, condamne fermement ces actes. La majorité des victimes du terrorisme dans le monde sont d’ailleurs des musulmans eux-mêmes, un fait souvent occulté dans les discours simplistes. 

En pointant du doigt une religion, on détourne l’attention des causes profondes du terrorisme : l’exclusion sociale, les guerres, et les manipulations idéologiques.

Une « barbarie intellectuelle » dans le débat public

Les propos de Pierre Manent relèvent d’une forme de « barbarie intellectuelle ». Ils ignorent les nuances historiques, sociologiques et religieuses. 

En suggérant des décisions sur le nombre de musulmans, on revient à des débats d’un autre âge, où les chiffres étaient utilisés pour justifier des politiques d’exclusion. 

Ces idées simplistes ne font que polariser davantage une société qui a besoin d’unité, pas de division.

Les musulmans d’Europe ne sont pas un corps étranger, mais une partie intégrante du tissu social. 

Au lieu de stigmatiser une population sur la base de croyances, il est urgent de promouvoir une réflexion inclusive, basée sur les principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité.

L’histoire a prouvé que les discriminations fondées sur la religion mènent à des tragédies, pas à des solutions. 

Espérons que le débat public saura s’élever au-dessus de telles déclarations pour aborder les véritables défis de notre époque avec lucidité et humanité.

Déclaration de Pierre Manent - Le paradoxe du sage : entre lumière de la raison et ombres de la barbarie intellectuelle

Le dualisme de l'esprit : entre sagesse et barbarie intérieur. © Radio Sisko FM

 

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